Kijû Yoshida - Visions de la Beauté

Publié le par Horizont-art

Femmes en miroir
(Kagami no onna tachi)Japon / 2003 / 129' / coul. / vostf
avec Mariko Okada, Yoshiko Tanaka, Sae Isshiki, Hideo Murota, Mirai Yamamoto

(Bref résumé du Centre Georges Pompidou)
Ai Kawase vit dans la proche banlieue de Tokyo. Elle est la veuve d'un médecin, Shinji. Sa fille Miwa s'est enfuie à l'âge de vingt ans. Elle a réapparu quatre ans plus tard, pour donner naissance à une fille, Natsuki, avant de disparaître à nouveau, n'emportant avec elle que le livret de famille. Vingt ans ont passé depuis. Un jour, Ai reçoit un appel de la mairie, pour l'informer qu'une femme vient d'être retrouvée en possession de ce livret de famille.



Un drame familial, mères et filles se reflètent dans un miroir brisé.

La grand mère, Ai est une rescapée du bombardement atomique d’Hiroshima. Elle a jusqu‘à maintenant peur du soleil et garde toujours une ombrelle en été. Son mari est mort alors que sa fille avait 4 ans. Lorsqu’il décède, Ai pense un instant à mourir avec elle.
La mère, Miwa, s’enfuie de chez elle à 20 ans. Elle revient 4 ans plus tard pour laisser sa fille à Ai, et repart après avoir brisé un miroir. Elle perd ensuite la mémoire et est retrouvée par sa mère 20 ans plus tard, quand le film commence. Elle kidnappe une petite fille chaque mois, inconsciemment, en la prenant pour sa fille.
La petite fille, Natsuki, a donc été élevée par sa grand mère. Elle est en quête d’identité, et veut connaître sa véritable mère. Elle ne s’attache pas au gens car le rejet de sa mère l’a profondément marquée.

On comprend que toute le drame se construit avec un souvenir : celui de Miwa, qui a 4 ans. Elle est dos à la mer déchaînée et face à sa mère Ai qui s’apprête à la tuer. Lorsqu’elle raconte ce souvenir, elle ne sait plus exactement si elle est la petite fille ou la mère. De ce doute naît probablement une culpabilité et une souffrance qui l’ont poussée à partir une première fois puis à revenir pour laisser sa fille entre les mains de la grand mère.

Tout découle donc de la bombe, mais aussi de ce souvenir qui persiste malgré l’amnésie. Kijû Yoshida nous propose une vision particulièrement déterministe. Un acte historique provoque un drame qui, par son influence sur les personnages, dictera leurs comportement et définira leur destin. Les femmes des 3 générations se regardent à travers le miroir qu’a brisé Miwa, leurs actes et toute leur histoire entretient une relation de cause à effet.

 

 Un jeu de rôles et de symboles.

Le film est un étrange mélange entre une histoire réaliste , dramatique, et une mise en scène théâtrale, silencieuse, presque fantomatique. Les acteurs et les dialogues sont très formels et peu réalistes, malgré le sujet qui aurait pu, a priori, l'exiger.

Le moment le plus déterminant du film, le souvenir de Miwa lorsqu‘elle a 4 ans, face à sa mère qui s‘apprête à la tuer, n’est pas sans rappeler celui de « La jetée » de Chris marker. Dans ce film, le personnage principal est un cobaye qui peut traverser le temps grâce à un souvenir qui lui est resté gravé profondément : il est sur la jetée de l’aéroport avec sa mère, et il assiste à un meurtre (celui de son double futur). Dans les 2 films, le souvenir prend place dans un grand espace, la mère est présente, il y a une forte tension à cause du vent, des vagues ou du bruit des avions, il y a (ou il y a presque) un meurtre. D’ailleurs, toujours dans les 2 cas, les personnages qui sont acteurs du souvenir ont un doute sur la place qu’ils ont dans ce souvenir : dans femmes en miroir , Miwa ne sait plus si elle tenait le rôle de la mère ou de la fille, et dans la jetée, le personnage principal ne sait pas que c’est lui même qu’il est en train de voir mourir.

Ainsi, Kijû Yoshida, comme Chris Marker, joue avec la perception qu’on a d’un souvenir : quels sont les quelques traits de caractères qui le constituent ? Si l’on ne garde que ces impressions, est-on jamais certains du rôle que l’on joue dans ce souvenir ? Si le réalisateur nous propose un déterminisme dans cette aventure humaine, ce n’est pas sans lien avec l’évolution des souvenirs et de l’inconscient dans ses personnages.

  Meradi Omar 216373

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